Courmayeur

UTMB – TDS 2019

Retour sur la TDS, une des courses de l’UTMB avec Frédéric G, un habitué de cette épreuve qui nous livre son récit palpitant. A toi Fred !

« Salut à tous,

Un « petit » récit de la TDS 2019 : C’est très très long ! Aurez vous le courage d’aller jusqu’au bout ?  🙂

Un peu de contexte :

1er semestre 2019 marqué par 2 blessures consécutives, forfait pour les courses préparatoires, alertes musculaires pendant la préparation, et même jusqu’à 2 jours avant le départ ! Ce n’était pas gagné.
J’ai maintenu la forme à l’aide du vélo et de la natation. Ça ne remplace pas l’entrainement en course à pieds dans les bosses, mais on peut dire que ça fait le boulot.

Petit aperçu du parcours de la TDS 2019 (Trace des Ducs de Savoie) :

On est venu à trois cette année à Chamonix : avec Mathias et Ronan. Arrivés samedi, on avait bien profité du soleil et de la vue dégagée « grand bleu » sur le Mont Blanc, pour 2 petites randos magnifiques.

TDS2019_Rando Dimanche

 

TDS_2019_Dossards

Allez c’est parti ! :

Mercredi 28/09, avec Mathias, sur la ligne de départ à Courmayeur à 04h00, c’est la fête ! Ronan s’est placé devant. Il ira bien plus vite que nous !
Moi je me dis que peut-être je mettrai le clignotant au bout de 3km si ce foutu mollet rejoue des siennes.
Ce serait quand même dommage. On est venu pour faire 145km et 9100m de D+.

Allez on va partir tout doucement, et on verra bien. Tout cela c’est dans la tête ça va le faire.
L’ambiance est excellente, il y a plein de monde dans les rues pour nous encourager, les guirlandes de frontales sont fantastiques.
Mais ce départ lent nous amène rapidement dans les bouchons dès les premiers chemins. Ce ne sera pas sans conséquence.

Le soleil se lève, la vue est sublime. Le mollet va bien.
2ème ravitaillement, on nous signale dès notre arrivée qu’il faut partir sous 15 minutes car la barrière horaire approche !
Comment cela ? Mais on est qu’au début ! Allez on repart vite fait.

Les paysages sont magnifiques, on doit être au pays des Hobbits dans le seigneur des Anneaux. On avance bien, jusqu’au col du petit Saint Bernard.
Là on entame la descente vers Bourg Saint Maurice. Je l’appréhendais. Une descente de 15km pour 1300m de D-.
Je retiens pas mal, pour limiter les impacts sur mon mollet pendant la descente.
Bon finalement on arrive en bas, c’est festif à Bourg Saint Maurice.(KM 50)

On démarre une ascension de 2000m, vers le Passeur de Pralognan, en passant par le Fort de la Platte et le Col de la Forclaz. Le truc le plus dur que je n’ai jamais fait. On grimpe sans s’arrêter, les autres n’avancent pas. Il y a des cadavres en permanence sur le bord des chemins. A l’approche de Forclaz, je sens l’hypoglycémie venir. Je m’alimente mais le mal est déjà fait. Je vois bien que mon rythme a nettement diminué.

 

En haut, je m’allonge un peu le temps que cela revienne, et discute avec une infirmière très sympa, qui me conseille de me couvrir. Je ne le fais pas bien sûr…et 1 minute plus tard…je grelotte.

Il y a un bouchon provoqué par une descente qui nécessite l’utilisation de cordes.
Les infirmières se sont perchées sur un rocher, ont mis de la musique et dansent. J’ai passé la veste, je me présente devant la descente et danse un peu avec elles pour me réchauffer, super ambiance ! L’hypo est derrière moi, ce pas de danse m’a bien réchauffé. Allez c’est reparti ! ? 
La nuit tombée, nous longeons le torrent de la Gitaz. On tente d’admirer à l’aide de nos frontales : des gorges et un torrent puissant ! Ca a l’air vraiment magnifique.

On arrive au refuge de la Gitaz (KM 75). Là pas mal de coureurs discutent de la suite. Certains décident d’en rester là.  La barrière horaire est toujours proche, mais après s’être restaurés, on remarque un dortoir. En prévision, plus que par besoin immédiat, et surtout parce que nous savons que la prochaine étape sera très très longue, nous tentons de dormir 30 minutes. Impossible ! Mais bon cela fait du bien quand même.

On repart juste à la barrière horaire. On fait un coucou au serre-file. On lui dit d’y aller tranquillou ! 
Il ne faut plus perdre de temps : Je monte vite, Mathias descend vite. On se dit que je pars devant pour l’ascension, et que Mathias devrait me rejoindre dans la descente vers Beaufort. La descente vers Beaufort est très technique, de la caillasse humide qui glisse, il faut vraiment être très concentré par cette nuit noire.

J’arrive dans la partie forestière, elle sera interminable. Beaufort est en contrebas, mais j’ai l’impression d’être toujours très loin, que cela ne s’approche pas. Les coureurs autour de moi ont le même sentiment. Ca rale ! Ca jure !

J’arrive finalement à Beaufort (KM 92) avant Mathias. Je me restaure, je l’appelle : pas de nouvelles. Il fini par arriver. Il dort debout ! Je lui propose de manger le plat chaud, mais impossible pour lui d’avaler quoi que ce soit. Nous faisons soigner quelques bobos par les kinés (contracture légère à la cuisse pour moi, mollet pour Mathias), récupérons nos sacs de délestage, nous changeons, et repartons juste à la barrière horaire….de nouveau !

Dans la montée vers Hauteluce, Mathias n’avance pas. Cela commence à être la panique. La barrière horaire aux fesses, le besoin de dormir qui arrivera forcément à un moment, je me dis qu’il faut prendre de la marge ou cela ne passera pas ! Je pars devant, fais un ravitaillement rapide à Hauteluce (Km 98) et fonce vers le Col du Joly qui est à 16km et 1400m de D+. 16 Km toujours sublimes… mais interminables ! Ce col il est où ??? J’avance, j’avance, et les traileurs que je découvre devant au fur et à mesure sont toujours plus loin, toujours plus petits !

J’arrive finalement au ravito (KM 114) Je me fais soigner une ampoule au pied. Un infirmier super sympa. On parle de Lille où il a étudié et passé l’une des périodes la meilleure de sa vie (évidemment ! :-D). Il pratique le trail, on parle de la course, de ces 30 bornes de plus cette année. Faisant semblant de rien, il teste ma lucidité, mon besoin de sommeil. Je perd parfois le fil de nos conversations.

Je vois brièvement quelques SMS arrivés sur mon téléphone « de course » des années 90. ? (un joli truc à touches avec un mini écran quoi)

Certains me font chaud au cœur, mais je les lirais correctement plus tard. Pas le temps, il faut continuer à se prendre de la marge sur cette foutu barrière horaire.  Je sors du ravito et appelle Céline mon épouse, en marchant rapidement sur la piste de ski. Cela me fait chaud au cœur. Elle me donne l’énergie de descendre pleine balle sur les Contamines. Je lui annonce que je vais la plier cette putain de TDS !

J’arrive au Contamines rapidement (KM 123). En compagnie d’un coureur super sympa qui a déjà fait cette course plusieurs fois.  Il y a 2 parties au ravito. L’une bruyante, destinée aux coureurs disposant d’une assistance. L’autre très très calme, ce sera la mienne. Les bénévoles sont très sympas. Je vois que j’ai de la marge à présent. Je sais que je vais finir. Il faut gérer, ne pas se faire une cheville dans les descentes. On s’installe 5 chaises au milieu des 2 rangées de tables. Avec les autres coureurs, on se repose, discute, se restaure. Les bénévoles sont aux petits soins. Je lis mes SMS : ces encouragements, j’en ai les larmes aux yeux. Dans mon téléphone à la con, je n’ai pas le nom de mes contacts. Mais à la lecture, je sais que cela vient de Maud, de David, de Céline. Cela se vérifiera plus tard.

Pas de nouvelles de Mathias…. Bien reposé, il me reste à affronter le col du tricot. Il fait chaud. Il est exposé plein soleil. Je prends un max d’eau avec moi. A la sortie, un organisateur vérifie que je vais bien, et que je me suis bien badigeonné de crème solaire. 2 petites bosses tranquilles  passées  en cherchant l’ombre au maximum…j’arrive au pied du tricot. Seulement 700m de D+. Mais raide raide raide raide ! Un petit serpentin, plein cagnard, décoré de minuscules petits bonhommes, tous dirigés vers le sommet. A droite : le Mont Blanc ! Un hélicoptère des pompiers est en cours d’intervention pour le sauvetage d’un coureur. OK OK ! Aller on grimpe. Putain, ça a l’air loin !

Après…un temps certain…je regarde vers le haut : Putain ça a l’air loin ! ? Je regarde vers le bas : Ah ouais j’ai déjà monté tout cela ! Ca va le faire ! Au sommet(KM 130), je suis chaleureusement accueilli. Je me retourne pour admirer la vue. L’aiguille de Bionassay sur ma gauche. Sublime ! Mais faut pas trainer. On descend tranquillou. Plein de caillasse. On va pas se faire mal maintenant. On termine et puis c’est tout !

J’entends un bruit d’enfer. C’est le torrent de Bionassay. On passe au-dessus par une passerelle. Sublime ! Boucan d’enfer aussi ! Direction l’avant dernier ravito à Bellevue(KM 134). Accueilli par des secouristes, qui nous servent une eau directement de la source « du Mont Blanc » ! Pas celle en bouteille, qu’ils nous disent….divin !

Allez reste la descente vers les Houches, la dernière. Ca se fait tranquillou avec 1 gars, en admirant la vue, en marchant, trottinant parfois. Mais on ne va pas se faire mal. On parle de course, de vélo, de natation…de triathlon. On parle de son pote qui l’a initié au trail, qui est malade et qui n’a pas pu venir. Je parle de Mathias, avec qui je passe toutes les lignes d’arrivée…et que rongé, lâchement, j’ai laissé derrière.
J’arrive finalement aux Houches(KM139)….Mathias sort du ravito… ????  🙄  Il m’a doublé au ravitaillement de Bellevue (On a regardé sur strava après la course : On était à 2 mètres l’un de l’autre et on ne s’est pas vu !) Putain en fait, j’ai pas laissé Mathias lâchement, et lui non plus. On va passer cette foutu ligne …ensemble !

Il reste 8 bornes pour rejoindre Chamonix. Longues, longues ces 8 bornes. On devra remettre les frontales.
Mathias m’explique qu’au ravito de Hauteluce, sur le chemin duquel je l’avais laissé, Il s’est endormi 15 minutes profondément. 15 minutes qui ont tout changé et lui ont permis de s’alimenter de nouveau. Il s’est ensuite démené pour rattraper le temps perdu. Quel guerrier !

Il faut se souvenir de cela, pour nous tous qui faisons du long : Ne jamais rien lâcher, la situation peut passer d’un extrême à un autre ! 

Nous voilà enfin à Chamonix : Les rois du pétrole ! Applaudis dans les rues….et ce bruit des spectateurs après le dernier virage, voir cette arche d’arrivée UTMB… et la passer…ensemble !

Fred G.

DistanceClassementNomTempsClassement catégorie
145km1015/1785Frédéric G41h12'28384ème V1

1 réflexion sur “Courmayeur”

  1. Impressionnant, Fred ! Et une belle histoire qui nous tient en haleine…
    Chapeau pour la perf. Là, on atteint des limites que pour ma part je n’imagine même pas.
    Je m’incline très bas.

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